Douceurs de sureau
Au Moyen-Age, le sureau était si bien considéré comme arbre protecteur que les paysans se découvraient en passant devant lui. Parfois, les paysannes lui octroyaient même une révérence. Il était planté près des maisons pour protéger de la foudre et du mauvais sort. Héritage de cette époque, des sureaux ornent encore souvent de nos jours les cours des fermes et les abords des maisons.
L’époque des croyances est aujourd’hui révolue et les vertus de nos compagnons végétaux sont souvent tombées dans l’oubli. Les chanceux qui ont un sureau dans leur cour ou leur jardin ne réalisent généralement pas leur chance, car cet arbuste est un trésor.
Bien sûr, nous sommes encore nombreux à apprécier le sirop ou la gelée mitonnés à partir de ses fleurs, mais peu se souviennent que le sureau est aussi le compagnon idéal de nos déboires hivernaux.
Ses fleurs sont fébrifuges, sudorifiques, diurétiques et anti-inflammatoires. Utilisées en infusion, elles aident ainsi le corps à se purifier, renforcent le système immunitaire, font ainsi baisser la fièvre et calment toutes les affections des voies aériennes: bronchites, otites, sinusites n’ont qu’à bien se tenir. En concentrant l’infusion pour réaliser des gargarismes, on apaise les laryngites et les pharyngites.
En automne, notre ami se pare de corymbes de fruits noir-violacé. S’ils permettent de réaliser une succulente gelée, on peut aussi les cuire avec des fleurs séchées au printemps pour réaliser un sirop pour la toux et les refroidissements. d’une efficacité redoutable et 100% naturel. Je lui dédierai un article spécial cet automne.
Pour le moment, ce sont de magnifiques ombelles de fleurs qui ornent les sureaux, ponctuant nos paysages de larges taches blanches repérables de loin. En s’approchant un peu, on observe que les rayons portant les fleurs sont inégaux et ne partent pas tous du centre: nos ombelles sont en réalité des corymbes, serties dans un écrin de feuilles pennées et composées de 5, voire 7 folioles. Si les fleurs dégagent un parfum presque entêtant et un nuage de pollen quand on les effleure, les feuilles froissées répandent une odeur quasi pestilentielle. C’est une chance d’ailleurs pour les jardiniers confrontés à des campagnols car quelques rameaux d’une vingtaine de centimètres plantés dans les carreaux les feront fuir, de même que des arrosages de purin réalisé à partir des feuilles et dilué à 10%.
Mais revenons à notre arbuste, qui peut atteindre la taille respectable de huit mètres. En coupant délicatement un rameau protégé par une écorce gris-beige et rugueuse, on le découvre plein de moelle en son centre. Si elle est blanche, on se trouve en présence du sureau… noir (Sambucus nigra); si elle est rougeâtre, c’est un sureau rouge (Sambucus racemosa). Qu’à cela ne tienne, tous deux possèdent les mêmes propriétés et sont comestibles, moyennant cuisson. Car les parties vertes et les graines de notre protecteur recèlent un composé cyanuré qui se dégrade fort heureusement à la cuisson. Celles et ceux qui, à l’instar de votre serviteur, ont été victime de vertiges et de nausées pour avoir cédé à la tentation de manger les fruits crus l’ont découvert bien malgré eux…
Moins sympathique, le sureau yèble (Sambucus ebulus) est aussi moins courant. Faisant partie des plantes herbacées, il est reconnaissable à son absence de bois dur et au port dressé de ses fleurs et de ses fruits. L’odeur qui s’en dégage est tellement pestilentielle qu’elle réfrène généralement toute envie de pousser plus loin la fréquentation, ce qui est fort heureux car ce particulier est violemment toxique.
Passé ces quelques précisions, jetons nous avec reconnaissance sur quelques corymbes de fleurs pour concocter des douceurs de saison…
Sirop de fleurs de sureau
1. Cueillir environ 10 corymbes par litre d’eau, afin que le sirop soit bien concentré. Tous les boutons du corymbe doivent être ouverts, mais les petites fleurs ne doivent pas se détacher seules quand on le touche.
2. Placer sa récolte dans une grande marmite avec la quantité d’eau correspondante, couvrir et amener à ébullition.
3. Couper le feu et laisser macérer une douzaine d’heures. J’ai l’habitude de laisser la marmite sur la plaque éteinte mais encore chaude pour que la température baisse lentement.
4. Au bout d’une douzaine d’heures, filtrer la préparation. J’utilise une grande étamine et je presse les corymbes à la main pour exprimer un maximum de jus.
5. Chauffer jusqu’à ce que l’eau frémisse et ajouter un kilo de sucre par litre. Cette opération rend encore 50% de liquide (1 litre du jus additionné d’un kilo de sucre donne 1,5 litre de jus). Remuer jusqu’à ce que tout le sucre soit dissout.
6. Conditionner dans des bouteilles en verre, idéalement munies d’un système de fermeture à joint, préalablement stérilisées à l’eau bouillante.
Ce sirop plaisir se conserve facilement deux ans au frais et à l’ombre. Les sirops médicinaux se font avec plus de sucre (jusqu’à 1,8 kg par litre), mais c’est une autre histoire. En attendant, bonne dégustation!
Beignets de fleurs de sureau
Recette pour une douzaine de corymbes de taille moyenne. Penser à laisser le plus de tige (pédoncule) possible lors de la cueillette pour ne pas se brûler les doigts en les plongeant dans l’huile.
1. Dans une casserole en métal, verser environ 2 centimètres d’huile de tournesol et mettre à chauffer.
2. Peser 130g de farine blanche et les placer dans un bol.
3. Ajouter un oeuf, une pincée de sel, une cuillère à soupe de sucre, idéalement brun et non-rafiné et une petite cuillère à café d’huile de tournesol.
4. Mélanger le tout.
5. Incorporer de l’eau gazeuse par petites quantités. L’eau gazeuse donnera une structure plus aérée aux beignets. Ajoute l’eau en remuant bien jusqu’à l’obtention d’une pâte liquide et sans grumeaux, type pâte à crêpes.
6. Tremper le corymbe dans la pâte et laisser égoutter (mais pas trop…) puis le tremper dans l’huile. Cette dernière doit frémir mais ne pas être trop chaude pour ne pas brûler le beignet. Appuyer le corymbe au fond de la casserole pour qu’il s’étale à nouveau et que la pâte cuise de manière homogène. Si les pédoncules sont trop courts, utiliser une fourchette glissée entre les branches du corymbe.
7. Retirer le beignet quand il est légèrement brun sur toute la surface, saupoudrer d’un peu de sucre non-raffiné ou de cassonade et… avaler goulument!
On raconte que les gens du voyage se levaient à l’aube pour réaliser ces beignets directement sur l’arbre et émerveiller les enfants en leur faisant goûter les délices de l’arbre à beignets…
J’espère que cet article vous permettra de poser sur le sureau le regard qu’il mérite et vous donnera l’occasion de vivre de beaux instants gourmands. N’hésitez pas à me pauser vos questions en commentaire ou à vous inscrire à la dernière sortie plantes sauvages du printemps. Quand à moi, je me lèche les babines et vous dis à bientôt, au détour d’un sentier ou au coin d’un bois!