Sacrée ortie
Une légende amérindienne raconte que le Grand Esprit, lorsqu’il créa le monde, mit toute sa bonté dans une plante bien spéciale. Il lui donna la couleur de l’or pour que toutes et tous reconnaissent bien son haut rang.
Très vite, les créatures vivantes, humains et animaux, prirent l’habitude de la consommer en quantité pour profiter de ses nombreuses vertus et soigner leurs maux petits et grands, si bien que les pauvres plantes, assaillies de toutes parts, sentirent que leurs jours étaient comptés.
Elles implorèrent alors le Grand Esprit: « Fais quelques chose pour nous, Père de tout ce qui est! Prends nous en pitié afin que nous ne disparaissions pas! » Le Mystère Profond dû bien reconnaître leurs difficultés et leur donna, avec un léger pincement au coeur, la même couleur que tous les autres végétaux.
Cependant, leurs vertus étaient tant prisées que les êtres vivants les reconnurent vite et le massacre reprit de plus belle. Pour sauver les dernières rescapées, le Grand Esprit les équipa d’aiguillons minuscules qui dardaient d’une cuisante douleur toute créature assez téméraire pour les effleurer.
Bien vite, plantes et animaux cessèrent de s’y intéresser et les orties, car c’étaient elles, prospérèrent à nouveau. C’est depuis ce jour que seuls les sages et les initiés reconnaissent en elles la plante du Grand Esprit.
L’ortie, il est vrai, ne manque pas de piquant, au point d’être crainte des petits comme des grands. Mais pour qui sait les apprivoiser, ou du moins se munir d’une bonne paire de gants, elles sont d’une grande générosité, principalement due à leur richesse en minéraux.
Très riche en fer, la plante stimule la fabrication des globules rouges et donne donc un coup de fouet en cas d’anémie ou de fatigue. Elle contient aussi beaucoup magnésium et de calcium qui fortifient les os, ainsi que du silicium et du potassium qui renforcent les cartilages, les ongles, les cheveux et même les dents. Ces propriétés en font une plante reine pour prévenir l’usure articulaire, l’ostéoporose et les rhumatismes. Historiquement, on en donnait aux poules qui pondaient des oeufs trop fragiles.
La prolixe urticante est aussi drainante, dépurative et diurétique. Elle aide le corps à éliminer ses toxines et ses déchets, notamment l’acide urique, responsable de la goutte. Preuve que même les bons vivants ne devraient pas dédaigner un bon velouté d’orties… Ces qualités sont d’ailleurs bien connues des moutons malades qui repèrent les endroits où elle a été fauchée pour venir la brouter sèche, quand elle ne pique plus.
Les feuilles peuvent contenir presque 10% de leur poids en protéines complètes, c’est à dire avec tous les acides aminés nécessaires au corps. Végétales, ces protéines sont plus facilement assimilables par le corps que celles de la viande, rendant l’ortie particulièrement intéressante dans les régimes végétariens et offrant une alternative intéressantes à celles et ceux qui veulent réduire leur consommation de produits animaux.
Cueillette
Même s’il existe des techniques pour cueillir l’ortie à mains nues, j’avoue que je m’équipe d’une paire de gants fins pour la récolter. En effet, elle diminue beaucoup à la cuisson, comme les épinards, et les volumes à ramasser sont assez importants.
C’est d’ailleurs apprêtée comme les épinards que je la préfère, surtout en début de saison, quand elle est toute jeune et encore teintée de belles nuances violettes. Pour que le plat soit fondant, je ne ramasse que la partie terminale, là où les feuilles sont proches les unes des autres. J’ai l’habitude de les pincer d’une main et de couper la tige à la bonne hauteur avec une paire de ciseaux. Après plusieurs essais à la main ou au couteau, c’est la méthode que je trouve la plus efficace.
L’ortie étant très riche en fibres, elle devient rapidement trop coriace à mon goût pour être consommée en légumes. Passé les premières semaines, c’est donc en velouté que je continue à l’apprêter. Je m’autorise à ce moment-là à prendre une partie un peu plus importante de la plante, généralement en coupant la tige sous les huit premières feuilles. On voit d’ailleurs à l’oeil l’endroit ou la plante devient trop vieille et trop abîmée pour être appétissante…
Finalement, une bonne astuce pour profiter de ses bienfaits toute l’année est d’en sécher un bouquet, de le réduire en petits morceaux et de l’ajouter à ses mélanges d’épices.
Epinards d’orties
1. Bien laver les pousses d’orties. Pour éviter les piqûres, je les laisse tremper quelques minutes dans l’évier et les récupère avec une spatule en bois.
2. Monder un bel oignon et le faire revenir dans une poêle à hauts bords avec de l’huile d’olive.
3. Ajouter les orties et remuer jusqu’à ce qu’elles soient blettes et foncées. Comme la quantité de départ est importante, cette opération peut se réaliser en plusieurs fois.
4. Baisser le feu, ajouter un peu d’eau, couvrir et laisser mijoter jusqu’à ce que les plantes soient fondantes. En fonction des besoins, ajouter encore de l’eau ou remuer au cours de la cuisson.
5. Une fois que les plantes sont prêtes, couper le feu, saupoudrer de quelques plantes aromatiques, saler et poivrer. Mieux vaut avoir la main légère pour profiter au mieux du la saveur naturellement épicée de l’ortie. J’adore la servir en accompagnement du poisson…
Velouté d’orties
1. Laver les orties de la même manière que dans la recette précédente.
2. Au fond d’une grande casserole, faire revenir un bel oignon préalablement mondé dans de l’huile d’olive. Pour éviter que le tout ne brûle, je fais chauffer jusqu’à ce que l’huile frémisse et je réserve: la chaleur résiduelle suffit à faire fondre mes cubes d’oignons.
3. Ajouter un fond d’eau bouillante puis incorporer les orties, généralement en plusieurs fois au vu des quantités nécessaires. Bien remuer jusqu’à ce que les plantes soient blettes et ajouter juste assez d’eau pour les noyer. Il est important de ne pas en ajouter trop, sous peine de se retrouver un final avec le brouet de la fable car les pousses vont rendre du liquide et réduire passablement.
4. Peler une ou deux pommes de terre, les couper en fines tranches (pour qu’elles cuisent plus vite) et les ajouter au mélange. La quantité dépend des goûts de chacun: plus on en ajoute, plus il y aura de velouté, mais plus le goût de l’ortie sera dilué. Personnellement, j’utilise une belle patate pour environ un litre de soupe.
5. Incorporer une cube de bouillon et laisser mijoter environ une demi-heure. Plus les orties sont âgées, plus le temps doit être long. En cours de cuisson, j’aime bien rajouter quelques feuilles de sauge pour corser un peu le goût.
6. Une fois que les plantes sont cuites, couper le feu et mixer finement. Ajouter sur la fin une tombée de crème fraîche pour gagner en velouté et faire ressortir la couleur verte. A ce sujet, mieux vaut porter un tablier pendant le mixage: les taches d’orties sur les vêtement sont tenaces. La plante est d’ailleurs utilisée par l’industrie alimentaire pour teinter les… pois et les haricots en boîte!
7. Si le velouté est un peu trop clair, il est possible de délayer un peu de farine en mixant doucement jusqu’à obtention de la consistance voulue.
Si je me réjouis de retrouver mes épinards favoris au sortir de chaque hiver, le velouté m’accompagne au moins jusqu’en octobre. A raison d’une bonne assiette par semaine, je sais que j’entretiens parfaitement mes os et mes articulations tout en purgeant mon corps de ses toxines. L’ortie est une plante aussi abondante que bienfaitrice et j’en profite aussi souvent que possible, comme les êtres vivants des origines…
J’espère que ces quelques lignes ont eu raison de vos brûlants souvenirs d’enfance et vous ont donné envie de redécouvrir ce trésor de nos contrées. N’hésitez pas à me poser vos questions dans les commentaires, j’essaierai d’y répondre au mieux.
Si vous souhaitez m’accompagner sur le terrain pour faire la connaissance d’autre plantes, rencontrer nos amis à poils ou à plumes ou simplement partager un grand bol de vert et d’air frais, vous pouvez consulter le programme de nos sorties.
Que la table vous soit succulente et les sentiers paisibles!